Statut de la langue monégasque dans l’enseignement scolaire et universitaire
(MàJ 10/01/2019)
Claude Passet
L’ordonnance souveraine du prince Honoré IV du 10 novembre 1815 sur l’enseignement public mit théoriquement italien et français à égalité, les deux langues devant être enseignées en primaire et en secondaire, avec ajout du latin pour le secondaire. L’enseignement en italien disparut progressivement dans les décennies suivantes pour s’éteindre au début du XXème siècle. Sait-on pourquoi ? Peut-être ce processus s’est-il accéléré surtout après 1860, comme on observe la même accélération de la francisation de l’autre côté de la frontière dans l’ancien Comté de Nice annexé à l’Empire Français en 1860 ? La création du Lycée Albert 1er en 1911 imposa définitivement l’enseignement en français. Dès lors, et même dans les écoles tenues par les Frères des Écoles Chrétiennes ou dans les classes des Dames de Saint-Maur, parler en monégasque était sévèrement défendu sous peine de sanctions. Aurait-on pu imaginer un bilinguisme officiel comme l’institua le duc Emmanuel-Philibert dans ses Etats en 1562 : le français pour la Savoie et le Val d'Aoste et l’italien pour le Piémont (comté de Nice inclus) ?
Cet ostracisme envers la langue nationale qualifiée avec mépris de « patois » était le même qui régnait alors en France dans les écoles républicaines.
Le monégasque aurait pu alors disparaître définitivement s’il n’avait continué à être transmis oralement dans les familles. Il fallut toute la persévérance du Comité National des Traditions Monégasques pendant des décennies pour « inverser la vapeur » en faveur du parler traditionnel local.
Enfin le 21 novembre 1972 fut donnée la première leçon de langue monégasque par le chanoine Georges Franzi. Il fut soutenu dans son action par le Félibrige qui organisa en 1977 la fête annuelle « La Sant’Estello » à Monaco. G. Franzi fut même nommé Majoral du Félibrige. Cet événement est rappelé par une plaque près de l’église Sainte-Dévote de Monaco et par une stèle dans le Parc Princesse Antoinette. Fait notable, à cette occasion, le futur prince Albert II de Monaco fut fait lui aussi membre d’honneur du Félibrige.
Cette initiative privée amena le Gouvernement princier à une prise de conscience sur la valeur patrimoniale de l’enseignement de la langue monégasque.
En 1976 La Direction de l’Éducation Nationale rendit obligatoire l’enseignement du monégasque dans les trois dernières classes de l’enseignement primaire, public ou privé. Cette mesure fut étendue en 1979 au cycle secondaire mais en option et rendue obligatoire l’année scolaire 1998-1999 avec possibilité de présentation comme matière à option pour le baccalauréat.
Chaque année a lieu un concours de langue monégasque pour les scolaires avec distribution de prix la veille de la Saint-Jean, en présence du Prince Souverain, de membres de la Famille Souveraine et des personnalités monégasques.
Le monégasque n’est pas enseigné à l’université voisine de Nice Sophia –Antipolis mais est sans cesse évoqué comme les autres langues ligures dans le cursus universitaire qui conduit quelques étudiants monégasques à des mémoires de maîtrise en linguistique ou en doctorat. Ils poursuivent leur carrière professionnelle à Monaco comme enseignants de la langue monégasque.
Il faut rappeler que le premier mémoire universitaire sur le monégasque fut présenté en 1943 (Mlle Zilliox-Fontana, Le Dialecte monégasque. Mémoire de D.E.S., Faculté d’ Aix-en-Provence, 1943) et la première thèse en Sorbonne publiée en 1967 (Raymond Arveiller, Étude sur le parler de Monaco, Monaco, Imprimerie Nationale, 1967, thèse complémentaire pour le Doctorat ès lettres).
Depuis 1993 des cours de langue monégasque pour adultes, tant monégasques qu’ « enfants du pays » ou résidents étrangers, sont dispensés dans les locaux de l’Académie par des enseignants détachés de l’Éducation Nationale, à raison d’une heure hebdomadaire, en deux groupes en fonction du niveau de connaissance (débutants, confirmés). L’enseignement comprend l’étude de la langue,et, à travers elle, la culture monégasque. Ces résidents étrangers (Anglais, Danois, Italiens, par ex.) considèrent l’étude du parler local comme un facteur d’intégration supplémentaire.