L’écrit en monégasque, de 1927 à nos jours
MàJ (10/01/2019)
Claude Passet
Cette note n’a d’autre but que de retracer, pour un public cultivé mais non spécialiste, une courte histoire de la « littérature » nationale monégasque, ou plutôt de l’écrit en langue monégasque, pour intégrer tous les styles d’écriture (articles linguistiques, compte-rendus journalistiques).
Le Dictionnaire Robert définit justement la littérature comme l’ « ensemble des œuvres écrites dans la mesure où elles portent la marque de préoccupations esthétiques ». La question « existe-t-il une littérature en monégasque ? » a été posée par Eliane Mollo lors d’un colloque de l’Académie des Langues Dialectales. Après avoir souligné que « …nous sommes en monégasque dans le contexte particulier du passage d’une tradition littéraire orale à une tradition littéraire écrite », l’auteur en conclut « à considérer qu’il existe bien une littérature monégasque »[1].
Il s’agit donc de l’écrit au sens large du terme matérialisé par le livre ou des publications, laissant de côté les nombreuses oeuvres restées à l’état de manuscrits, et donc, pour la plupart, inaccessibles.
Ecrit matérialisé, avons-nous dit. C’est là que réside la première difficulté : dresser un catalogue préalable à toute conception d’un récit chronologique. La plupart des œuvres écrites en monégasque ony été en effet dispersées dans de nombreuses revues régionales françaises et italiennes, plus ou moins confidentielles qu’il faut dénicher dans les bibliothèques qui ne disposent pas toujours de collections complètes : revue Annales du Comté de Nice (de 1932 à 1937), L’Armanac Nissart (1931-1939), Rives d’Azur (de 1930 à 1962 environ), A Barma Grande, Rivista Ingauna e Intemelia, depuis 30 ans la Revue annuelle du P.E.N. Club de Monaco plus largement diffusée, ou les journaux locaux monégasques (L’Echo Monégasque, 1930) ou proches niçois.
A ce propos, ouvrons une parenthèse. Sous le gouvernement de Mussolini, Louis Notari a donné, entre 1932 et 1936, quelques petites pièces dans la revue ligure A Barma Grande. Cette revue, éditée par la Cumpagnia d'i Ventemigliusi de 1932 à 1939 (puis de 1961 à 1977) se proposait de créer une Anthologie des parlers ligures de la zone intémélienne élargie hors frontière italienne (le pays mentonnais et Monaco)[2]. Pour éviter tout amalgame, il faut situer le contexte. Le fascisme eut une politique d'indifference substantielle au « problème » des dialectes, sauf dans sa phase finale avec l'affirmation du mythe impérial. Dans les premières années du régime, on pouvait même trouver des livres scolaires d’apprentissage de la langue italienne à partir du « dialecte » qui était alors l'idiome le plus diffusé. Par contre, le fascisme pratiquait une veritable persécution contre les minorités nationales de langue allemande (en Alto Adige) ou française (en Valle d'Aosta), qui, à la difference des dialectes, étaient perçues comme subversives contre l'unité nationale. En Ligurie le fascisme ne manqua d'utiliser la langue génoise pour sa propagande, compte-tenu aussi de ses ambitions irredentistes sur des territoires de la Corse ou de Menton, voire de Monaco pour certains, territoires où il y avait une présence linguistique ligure ou peri-ligure[3].
Mais ce n’était pas cet objectif politique qui animait L. Notari mais le fait que le Duce s’était posé en défenseur de la latinité contre les « barbares » du Nord. C’est dans ce contexte qu’il faut replacer le Mare Mediterraneum, a Benito Mussolini de Louis Notari, publié en 1935[4]: « Haut les cœurs ! Redresse-toi race latine, car là-bas du nid où tu as pris ton vol, une voix claire a crié « A nous ! »… et toi, sois parmi tous béni, qui as donné à la race ce ressaut en lui criant du nid sacré « A nous ! ». « Au milieu du fer et du feu qui éblouit, Seigneur, mettez-lui un cœur, un cœur pitoyable ! C’est ainsi qu’il peut tenir tête en riant au monde entier, mais parfois il s’attriste de voir souffrir et il pleure en secret ». Rien d’un appel à la guerre mais à la paix : « A nous, à nous, à nous, la civilisation, à nous la paix, le travail et l’art ! ». On ne voit là aucune adhésion à l’idéologie du régime. On ne peut douter un instant de la fidélité de Notari à Monaco. Fermons la parenthèse.
Revenons à notre sujet initial.
Certaines œuvres ont été rassemblées pour notre profit dans des recueils, souvent posthumes, les Dits de Mar Curti par exemple (1991). Le calendrier annuel du Comité des Traditions Monégasques nous propose chaque année de nouvelles éditions ou rééditions de textes peu connus. La soirée dédiée à Louis Notari en 1980, ou celle plus récente de 2014, a été l’occasion pour nombre d’entre nous d’entendre ou de réentendre des morceaux choisis d’œuvres, des saynètes, des poésies.
L’écrit en langue monégasque s’étend de 1927 à nos jours, soit plus de 90 ans (en 2018). Il a donc largement atteint l’âge de raison.
Il nous faut retenir 4 grandes dates : 1927 - 1960 - 1963 - 1983.
Quels sont les auteurs ? Pour la plupart ils nous ont déjà quittés, aussi cette brève histoire de l’écrit monégasque pourra-t-il ressembler parfois à un obituaire.
Combien sont-ils ? Moins d’une trentaine, sans compter les auteurs qui ont consacré ou consacrent leur plume à la critique ou la recherche linguistique.
Qui sont-ils donc et ont-ils des prédispositions ou une formation universitaire ou scolaire propre à engendrer l’écriture ?
Nous allons répondre à ces interrogations.
Les auteurs en langue monégasque sont :
- des scientifiques : Louis Barral conservateur du Musée d’Anthropologie Préhistorique de Monaco (1910 - 1999), madame Suzanne Simone qui lui succéda à ce poste, Louis Principale (1915 - 1998) biologiste, Mar Curti (1881 - 1967) et Louis Notari (1879 - 1961), tous deux ingénieurs.
- des hommes du Droit et de l’administration monégasque : Maître Boisson, avocat (1906 - 1987), Louis Canis (1891 - 1973).
- des professeurs, tel Lazare Sauvaigo (1894 - 1976), qui enseigna à des générations d’élèves l’histoire de Monaco.
- des ecclésiastiques : le Révérend Père Louis Frolla (1904 - 1978), le Chanoine Georges Giorgi Franzi (1914 - 1997).
- un artiste peintre, Etienne Clerissi (1888 - 1971).
- un homme de mer, Jules Soccal (1907 - 1976).
- des fonctionaires, Paulette Cherici-Porello.
Aucun n’est un professionnel de l’écriture vivant de sa plume.
La première grande date à retenir est celle du 11 février 1927, année de la pose de la première pierre de l’écrit en monégasque, comme le raconte Louis Notari dans la préface d’A Legenda da Santa Devota.
Ce jour-là, lors d’une réunion du Comité des Traditions, on évoqua la littérature monégasque, et Louis Notari fit le constat qu’elle n’existait ni par l’oral ni par l’écrit. « La composition d’un lexique ou d’une grammaire suppose généralement la pré-existence d’une littérature mais il aurait été tout au moins osé de procéder inversement puisque nous ne possédons absolument aucune littérature monégasque, ni écrite, ni orale ». Et d’ajouter que pour « tâcher de donner le bon exemple » en essayant de noter le parler « de nos vieux », il promit d’écrire quelque chose, n’importe quoi… Quelqu’un lui suggéra alors la légende de sainte Dévote.
Il écrivit en effet un chef d’œuvre, A legenda de Santa Devota.
La littérature monégasque était née.
Qui parle alors monégasque en 1927 ?
Le monégasque reste du domaine du cercle familial, de la vie associative, de la rue et des activités domestiques du quotidien.
Le monégasque, qualifié de « patois » par les gens de l‘époque, ne franchit pas le seuil de la vie publique. La langue française règne en maîtresse.
On se souvient bien sûr des lettres du prince Antoine 1er à ses filles, mots délicats et affectueux à ses chères enfants découverts par l’archiviste du Palais Princier de Monaco, M. Lisimacchio, et publiés par le professeur Arveiller (1967). Nous sommes là encore dans le domaine exclusif de l’intimité familiale, de l’usage privé.
Se souvient-on encore que jusque dans les années 1960, il était interdit à l’école de parler monégasque, sous peine de sanction ?
L’enseignement de la langue monégasque dans les écoles depuis 1976 (obligatoire dans le primaire - classes de 9ème à 7ème – et dans le secondaire en 6ème et 5ème, en même temps qu’un enseignement sur l’identité culturelle monégasque, puis, en option de la 4ème à la Terminale) a marqué un changement radical d’attitude envers la langue des anciens, reconnue comme patrimoine identitaire à conserver. La langue monégasque peut être présentée au baccalauréat français.
Louis Notari écrivit donc une vie de sainte Dévote comme l’indique le titre …Santa Devota, légende rimée en monégasque, « petit poème monégasque en strophes de quatre vers ».
Pourquoi en vers ? Louis Notari s’en est expliqué dans la présentation de l’ouvrage :
« Pourquoi ai-je essayé d’écrire mon monégasque en vers plutôt qu’en prose ? Tout simplement parce que le patois de nos anciens me paraît si harmonieux et si doux que j’aurais cru en diminuer la valeur en faisant autrement. Comme je n’ai d’ailleurs pas la moindre prétention littéraire, et que je me sens par là même dégagé de toute obligation rituelle pour ce qui concerne le mètre et la stophe, je pensais que cette tentative serait accueillie avec indulgence » [5].
Louis Notari présageait la disparition inévitable et imminente du « patois » si rien n’était fait pour le sauvegarder. Voici donc maintenant plus de deux décennies que le péril semble s’éloigner. D’autres Monégasques, animés d’un amour fervent pour leur pays, encouragés par l’accueil réservé à la Légenda, prirent la suite de Louis Notari dès 1930, profitant de l’opportunité offerte par les nouvelles revues dont nous avons parlé : Les Annales du Comté de Nice, puis Rives d’Azur, A Barma Grande, etc. |
La production, assez soutenue, était de qualité, comme nous le verrons dans les pages qui suivent.
Manquaient à cette écriture les outils du savoir, grammaire et dictionnaires, instruments essentiels à la connaissance et au maintien de la langue.
Il fallait donc codifier, normaliser, architecturer ce savoir encore détenu par quelques locuteurs pour donner au « patois monégasque » le statut de langue.
En 1960 paraît la Grammaire monégasque du R.P. Louis Frolla, « réalisée sur les instructions du Gouvernement Princier », conçue « non comme une œuvre complète d’érudition mais simplement comme un essai de codification de notre idiome national dont nous voudrions arrêter la chute sur la pente de l’oubli » [6].
La grammaire est suivie en 1963 d’un Dictionnaire Monégasque – Français, réalisé sur les instructions du Gouvernement Princier par le même auteur, ouvrage établi après une enquête minutieuse auprès des derniers locuteurs du monégasque, véritables traits d’union encore vivants entre les anciennes générations et l’époque contemporaine : Louis Notari, Marc Curti, Maître Boisson, Roxane Noat-Notari, Lazare Sauvaigo Alexandre Médecin, George Sangiorgio. René Novella apporta son concours précieux à l’élaboration de ce dictionnaire.
Vingt ans plus tard, en 1983, Louis Barral, avec la collaboration de Suzanne Simone, apportera un complément indispensable, le Dictionnaire Français-monégasque [7]. Le Vocabulaire monégasque de la marine et de la mer (1971) de Jules Soccal apportera la richesse d’un lexique spécialisé, ce qu’avait tenté de réaliser plus modestement, dans un travail resté manuscrit, César Solamito (Noms monégasques des poissons, mollusques et crustacés de la Mer Méditerranée).
La disparition des artisans et des métiers d’autrefois a entraîné une perte du vocabulaire et des expressions propres à chacun de ces petits métiers. A ce titre le petit lexique réalisé par Auguste Lanteri sur les outils de l’artisanat, resté à l’état de manuscrit, participe de cette sauvegarde du patrimoine linguistique.
Voici donc les auteurs armés d’outils de travail, à eux l’inspiration.
Par la volonté de S.A.S. le Prince Rainier III, l’enseignement de la langue monégasque est entré à l’école. Il fallait donc développer des outils pédagogiques adaptés à l’âge des élèves. Les manuels de langue monégasque à l’usage des écoles ont été rédigés, dès le début de l’enseignement obligatoire du monégasque, par l’abbé Georges Franzi, sous forme de polycopiés. Leur diffusion reste confidentielle, au niveau des écoles, et ces ouvrages ne sont pas diffusés par voie de librairie. Un effort particulier de présentation a été donné ces dernières années sous l’impulsion de l’équipe des professeurs de langue monégasque qui ont participé à leur rédaction.
Parmi les derniers tirages, signalons :
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1999, Qinternu munegascu, 7ima, Monaco, Département de l’Education Nationale, tirage JAG. Illustrations de Joël Tchobanian. Poésies en monégasque de G. Franzi, P. Cherici-Porello (p. 52 - 57).
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2003, Qinternu de Munegascu, 9a, Monaco, Département de l’Education Nationale, tirage JAG, septembre 2003. Illustrations en couleurs de Didier Braquetti et José Fernandez, mise en page de Stéphan Maggi. Poésies en monégasque (p. 40 - 41).
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2004, Qinternu de Munegascu, 8va, année scolaire 2004 – 2005, Monaco, Département de l’Education Nationale, tirage imprimerie Braquetti, septembre 2004. Illustrations en couleurs de Christine Anfosso et Nancy Vuidet, maquette et mise en page de Stéphan Maggi. Poésies en monégasque de Mar Curti, G. Franzi et P. Cherici-Porello (p. 66- 68).
Depuis quelques années la tablette numérique est entrée dans les cours scolaires de monégasque [8] et, depuis 1993, des cours de langue monégasque pour adultes sont donnés dans la salle de conférence de l’Académie des Langues Dialectales par des professeurs détachés de l’Education Nationale. Ces cours sont donnés sous l’égide du Comité National des Traditions Monégasques, l’Académie mettant ses locaux à disposition.
Après avoir acquis ses lettres de noblesse et la reconnaissance de statut de langue par une production « littéraire », la langue monégasque a été soumise au crible des spécialistes de linguistique.
Dès 1927, Louis Notari avait donné les premiers éléments de grammaire monégasque, dans sa Legenda da santa Devota[9].
La première étude universitaire fut menée en 1943 par une jeune étudiante monégasque, M. Zilliox-Fontana, dans un mémoire de D.E.S. sur Le Dialecte monégasque soutenu à la Faculté d’Aix-en-Provence.
Dans le même temps, Raymond Arveiller, professeur de grammaire détaché au Lycée de Monaco, entreprenait sa thèse complémentaire de doctorat en Sorbonne, Etude sur le parler de Monaco, publiée seulement en 1967 par le Comité National des Traditions Monégasques. Cette thèse était le fruit d’une collecte du parler de la rue, du patois monégasque comme l’écrit M. Arveiller – les linguistes jugeront de l’opportunité ou non de ce terme – collecte entreprise entre 1943 et 1954 puis en 1960-1961. Son objectif était de donner « le tableau le plus fidèle et le plus complet possible du patois monégasque, tel que son état de délabrement permettait encore de le recueillir entre 1943 et 1954 » [10]. La soutenance en Sorbonne d’une thèse sur le patois monégasque consacrait en quelque sorte, dans le milieu universitaire, la légitimité du combat mené par Louis Notari et ses amis depuis plus de trente ans. Cela suscita un intérêt qui ne s’est guère démenti à ce jour [11].
Les Actes des Colloques de dialectologie monégasque puis Colloques de langues dialectales, organisés de 1974 à 1983 (1er – 6ème) par le Comité National des Traditions, puis depuis 1986 (7ème) par l’Académie des Langues dialectales, ont apporté une contribution majeure, universitaire, de très grande qualité, sur la langue monégasque.
Retournons à la production de l’écrit.
Seul le genre littéraire du roman, qu’il soit roman historique, fiction ou policier, n’a pas, pour l’instant, tenté la plume de nos écrivains et rédacteurs monégasques.
L’auteur monégasque semble plutôt être né poète, c’est en tout cas le genre littéraire où la production a été la plus importante, la poésie paraissant, comme l’avait souligné Louis Notari, la plus adaptée à la saveur, à la richesse et aux subtilités de notre parler ….
En premier lieu, et toujours, citons Louis Notari et sa Legenda, puis Louis Canis (Contes et Poésies, 1982), Robert Boisson, Abbé puis Chanoine Georges Franzi, les oeuvres de Louis Barral et Suzanne Simone (proverbes, recueils d’expressions populaires), etc.
Pardonnez-moi de ne point les citer tous.
Gatu … gatin (chat … petit chat, de Paulette Cherici-Porello, est une petite merveille qui a ravi tant d’écoliers.
La lecture des Fables de Louis Principale, inspirées des œuvres de La Fontaine, révèle toute la musicalité du monégasque.
L’expression du sentiment religieux monégasque, fortement identitaire – la religion catholique est religion d’Etat à Monaco, dans le respect de la liberté du culte des autres religions – s’est manifestée à travers les œuvres de Lazare Sauvaigo : Preghiera d’un Munegascu a Santa Devota, prière d’un Monégasque à sainte Dévote (1932) et A campana da Misericordia, Munegu 17 de Zenà 1932, La cloche de La Miséricorde, etc.
Le R.P. Louis Frolla et le chanoine Franzi ont traduit en monégasque les prières et lectures de la Messe de sainte Dévote et celle de saint Roman, notamment, qui sont utilisées lors d’offices célébrés devant les membres du Comité des Traditions Monégasques, du Comité Saint-Roman et de l’Académie des Langues Dialectales.
Les œuvres polémiques, politiques, où l’adversaire du moment était quelque peu égratigné, ne sont pas absentes d’une bibliographie de l’écrit en monégasque. Citons les Dits de Mar, recueil de textes datés de 1930 à 1960, rassemblés en un ouvrage posthume I diti, Les dits de Mar (1991), à deux ou trois niveaux de lecture selon le degré d’initiation du lecteur à certaines particularités locales et autres petits secrets et rumeurs de la vie sociale et politique locale.
Louis Barral, Itinéraires, Bucui e Capilere, puis par le même auteur et Suzanne Simone, Pruverbi e Cunturni (proverbes et garnitures), Un vêtement bien fait, ont apporté une vision plus philosophique sur la vie, le sens de la vie et des choses, une vision anthoropologique, vision humaniste, oeuvres à travers lesquelles ceux qui ont connu Louis Barral retrouveront sa verve et sa plume alerte, facilement piquante.
L’identité monégasque s’est aussi exprimée avec bonheur et humour dans des saynettes et des pièces de théâtre critique de la société monégasque : l’opérette en deux actes de Louis Notari, A scarpëta de Margaritun (1932), ou, du même, Se paga o nun se paga ? (1933), Toca aici Niculin ! adaptation monégasque de Embrassons-nous, Folleville d’Eugène Labiche (1937). On ajoutera Mestre Liscian, mete giudiçi, pièce de théâtre de Paulette Cherici-Porello publiée dans Mescia … (1986).
Dans le genre œuvre « historique », Paulette Cherici-Porello a célébré un grand moment de l’histoire monégasque, U 17 nuvembre 1641, date de l’expulsion des Espagnols en 1641 par le prince Honoré II [12], thème repris dans la récente pièce de Nicole Vaccarezza jouée en 1997, Les Grimaldi, 700ème , avec l’aimable participation de la Commission pour la Langue Monégasque.
L’art traditionnel et folklorique du bien-manger à Monaco a été illustré par Jean et Danielle Lorenzi en 1969.
Nous ne manquons pas de citer les livres pour enfants de Françoise Gamerdinger, Au marcau d’a Cundamina, Au marché de La Condamine (2002) ou Noël à Monaco, Natale a Mùnegu (2011).
Signe d’une volonté de maintien de la langue monégasque aujourd’hui, la récente édition dans les Annales Monégasques 2005, des Letre d’u me murin, Lettres de mon moulin d’Alphonse Daudet, version en langue monégasque écrite par le chanoine Georges Franzi, présentée par René Stefanelli. Cette édition est accompagnée de trois CD-audio représentant plus de trois heures de lecture. C’est la première édition audio grand public de textes en monégasque [13].
Antigone de Jean Anouilh a été traduit en monégasque par René Stefanelli et publié en 2013 dans les Annales Monégasques[14].
Il est important de signaler que la seule femme a avoir écrit directement en monégasque a été Paulette Cherici-Porello (1924-2018), première femme présidente du Comité National des Traditions Monégasques et de l’Académie des Langues dialectales.
Ces dernières années n’ont paru que très peu d’écrits en monégasque sinon des traductions d’œuvres écrites en français et traduites ensuite par Eliane Mollo et Dominique Salvo-Cellario notamment : trois albums de Tintin, d’Hergé, des livres pour enfants de Mireille Grazi, etc. Une traduction n’est pas une création littéraire stricto sensu mais une transposition, traduire sans trahir. La Chronique Monégasque fait exception, rédigée par Dominique Salvo-Cellario et Michel Coppo.
Voici donc, retracée en quelques mots, l’histoire de l’écrit monégasque et sa richesse reflétant les innombrables facettes de l’identité culturelle de la principauté.
Deux études de René Stefanelli (Sept poètes monégasques,1996 et Le Parler de Monaco à l’école, 2000) constituent une belle approche de l’histoire de l’écrit en monégasque.
Pour conclure, rappelons la déclaration de S.A.S. le Prince Rainier III lors de la séance inaugurale de l’Académie des Langues Dialectales, le 15 mai 1982 : « Les langues dialectales ont toujours représenté et représentent encore le cœur et la pensée des hommes qui sont profondément attachés à leur pays. Elles ont contribué à maintenir les traditions populaires qui sont l’émanation la plus pure de l’esprit d’un peuple, et leur survie permettra peut-être d’enrayer l’uniformisation qui nous menace ». « Ainsi le fait d’enseigner notre langue aux jeunes Monégasques est l’un des plus sûrs moyens de sauvegarde de notre identité et non pas – comme hélas beaucoup le pensent encore – l’expression d’un chauvinisme passéïste et naïf ».
[ Texte revu et complété d’une communication de Claude Passet, publiée dans les Actes du 11ème Colloque International de Langues Dialectales, 27 et 28 novembre 2004, Monaco, Editions EGC, Imprimerie Multiprint, décembre 2005., p. 21-29 ].
[1] Mollo (Eliane), « Peut-on parler de littérature en monégasque ? », Actes du 11ème Colloque International des Langues Dialectales, 27 et 28 novembre 2004, Monaco, Editions EGC, Imprimerie Multiprint, décembre 2005, p. 81-82.
[2] Voir http://www.cumpagniadiventemigliusi.it/vecchiosito/Ventemigliusu/Barma.htm
[3] Pizzoli (Lucilla), La politica linguistica in Italia, Roma, Carocci, 2018.
[4] « Mare mediterraneum (A Benito Mussolini), I Murin, 8 de Magiu 1934, [Mer Méditerranée], A Mussulini, 14 Set. 1934, [Mussolini] », Annales du Comté de Nice, tome IV, 1935, p. 82 - 83. Repris dans Fichera (Filippo), Il Duce e il Fascismo nei canti dialettali d’Italia. Milano, Ediz. Convivio Letterario, 1937.
[5] Notari (Louis), A Legenda …, Monaco, 1927, p. 10
[6] Frolla (Louis), Introduction à la Grammaire monégasque, p. X.
[7] Mollo (Eliane), « Elaboration d’un dictionnaire français - monégasque : objectifs et problématiques », in 9ème Colloque des Langues Dialectales, 25 mai 1991, p. 17 – 23.
[8] Maggi (Stéphan), « Le TBI (Tableau blanc interactif) en classe de langue », Actes du 14ème colloque des langues dialectales (2012), Monaco, Editions EGC, 2014.
[9] Op.cit., p. 13-15.
[10] Arveiller (Raymond), Etude sur le parler de Monaco, Monaco, Imprimerie Nationale, 1967, p. X.
[11] L’Académie des Langues Dialectales reçoit fréquemment des demandes de renseignements ou d’ouvrages (grammaire et dictionnaires) de personnes intéressées par notre langue, en Russie, Canada, États-Unis, Belgique, Allemagne, Italie, etc.
[12] Voir Passet (Claude), « Documents d'archives. Relation de l'expulsion de la garnison espagnole de Monaco (17 Novembre 1641) », in Annales Monégasques, n° 8 (1984), p. 145-160, et du même auteur, « Honoré II ou la Liberté Glorieuse de Monaco », Annales Monégasques, n° 21 (1997), p. 171-210 [ Numéro spécial du 700ème anniversaire de la présence des Grimaldi à Monaco ].
[13] Nous excluons les CD ou K7 audio utilisés par les professeurs de langue monégasque, non disponibles dans le commerce ou à la médiathèque.
[14] Annales Monégasques, n°37 (2013), p.185-211.